Les grandes entreprises technologiques s'inquiètent de la nomination de Lina Khan à la tête de la FTC

Published on 19 Jun 2021

Sur la photo ci-dessus, Lina Khan, s'exprimant lors d'un panel sur Amazon et le droit antitrust en 2016. La professeure de droit de Columbia a été nommée présidente de la FTC par l'administration Biden. Quelques heures plus tôt, Khan avait été confirmée comme commissaire de la FTC par le Sénat. Si des questions se posaient sur la position de l'administration Biden sur les grandes technologies, la nomination de Khan y aura répondu. Khan critique depuis longtemps les grandes entreprises technologiques et estime qu'elles devraient être divisées en différentes activités.

Qu'est-ce que la FTC ?

La FTC est l'abréviation de Federal Trade Commission (Commission fédérale du commerce). La FTC est une agence indépendante du gouvernement américain. Fondée en 1914 par l'ancien président Woodrow Wilson, la protection des consommateurs fait partie du mandat de la FTC. Sa mission principale est de faire respecter la loi antitrust américaine. Au cours des dernières années, l'agence a été vivement critiquée pour ne pas avoir réussi à lutter efficacement contre les violations de la vie privée et les pratiques anticoncurrentielles des grandes entreprises technologiques comme Amazon, Google, Facebook et Apple. L'agence a subi une pression croissante de la part des deux partis politiques pour qu'elle mette un frein aux entreprises technologiques. La lutte contre les positions dominantes de ces entreprises est l'un des rares problèmes bipartis sur lesquels le Congrès américain semble être en mesure de travailler. Les législateurs ont également exprimé des inquiétudes au fil des ans quant au sous-financement et aux ressources de la FTC, ainsi qu'à son manque d'expertise technique pour s'acquitter efficacement de ses fonctions.

Qui est Lina Khan ?

Lina Khan est une juriste américaine. Elle est spécialisée dans le droit antitrust et de la concurrence aux États-Unis. Née à Londres en 1989, elle a déménagé aux États-Unis à l'âge de 11 ans. Alors qu'elle étudiait le droit à l'université de Yale, elle a publié un article dans le Yale Law Journal intitulé « Amazon's Antitrust Paradox ». Dans cet article, elle soutient que le cadre actuel des lois antitrust ne peut pas traiter les effets anticoncurrentiels des modèles commerciaux basés sur des plateformes comme celui d'Amazon. Son article a eu un grand impact sur les cercles juridiques et commerciaux américains et a déclenché de nouvelles discussions sur ce qui constitue un monopole et sur la manière dont le droit devrait l'aborder. Khan a ensuite rejoint la Columbia Law School en tant que chercheuse universitaire et a poursuivi ses recherches sur le droit antitrust. Elle a publié un article intitulé « The Separation of Platforms and Commerce » dans la Columbia Law Review. Dans cet article, elle soutient qu'il devrait y avoir des séparations structurelles qui interdisent aux intermédiaires dominants d'entrer dans un secteur d'activité qui les placerait en concurrence directe avec d'autres entreprises qui dépendent de leurs réseaux. Un exemple de ce type de scénario serait Google et Apple. Les deux entreprises possèdent leurs propres boutiques d'applications, c'est-à-dire des plateformes. Et les deux entreprises proposent également leurs propres applications qui sont en concurrence directe avec celles d'autres entreprises. Par exemple, Spotify est un concurrent des applications musicales d'Apple et de Google, ou les Air Tags d'Apple sont en concurrence directe avec Tile, qui est également disponible sur la boutique d'applications d'Apple. Cela incite Apple et Google, qui possèdent les plateformes, à promouvoir leurs propres produits plutôt que ceux de la concurrence.

Pourquoi les grandes entreprises technologiques sont-elles nerveuses ?

Les grandes entreprises technologiques ont fait l’objet de critiques croissantes au cours des deux dernières années concernant leurs positions dominantes et leurs pratiques anticoncurrentielles. Les gouvernements ont introduit de nouvelles réglementations pour aider à réguler ces entreprises. Récemment, les législateurs américains ont présenté au Congrès cinq projets de loi de grande envergure qui changeraient fondamentalement le fonctionnement de ces entreprises. Ces projets de loi visent particulièrement Facebook, Amazon, Google et Apple. Ces projets de loi prétendent faire ce que Khan propose depuis des années. Par conséquent, les entreprises technologiques sont nerveuses car l’agence chargée de faire respecter les lois antitrust sera désormais présidée et dirigée par un critique virulent qui soutient le démantèlement des grandes entreprises technologiques. Vous pouvez lire notre couverture complète des cinq projets de loi technologiques du Congrès ici .

La FTC a également le pouvoir d’empêcher les entreprises d’acquérir des concurrents ou de petites entreprises qui pourraient un jour devenir des concurrents. Par exemple, elle pourrait empêcher Facebook d’acquérir le prochain Instagram potentiel. Ou empêcher Twitter d’acquérir Clubhouse. Un procès antitrust est actuellement en cours contre Facebook, que Khan présiderait désormais. Facebook a été accusé d’avoir copié, acquis et tué ses rivaux. Le procès jouerait un rôle clé dans l’établissement d’un précédent et constituerait un indicateur fort de la capacité du gouvernement à contrôler les grandes entreprises technologiques.

Les réglementations adoptées aux États-Unis pourraient également conduire à des législations similaires dans d’autres parties du monde. Par exemple, après l’adoption du RGPD par l’UE, des lois similaires ont été adoptées en Australie et au Brésil. L’UE envisage également de légiférer elle-même pour créer une concurrence équitable dans le secteur des technologies. L’UE évalue actuellement le Digital Markets Act et le Digital Services Act, des lois qui limiteraient les comportements anticoncurrentiels des grandes entreprises technologiques et protégeraient le choix des consommateurs.

L’argument contre le démantèlement des grandes entreprises technologiques

La question de la régulation des grandes entreprises technologiques est complexe. Même les experts ont du mal à l’aborder. Les partisans des grandes entreprises technologiques estiment que la législation proposée est excessive et qu’elle nuirait à l’économie américaine. Elle rendrait plus difficile l’accès des Américains aux technologies auxquelles ils sont habitués gratuitement, comme le courrier électronique et les médias sociaux. Les partisans de la technologie soutiennent que la régulation des grandes entreprises technologiques pourrait avoir des conséquences imprévues qui porteraient préjudice aux consommateurs américains. Des inquiétudes ont également été soulevées quant à la capacité de ces entreprises à continuer de maintenir la sécurité sur leurs plateformes si la législation proposée est adoptée. Par exemple, Apple a fait part de ses inquiétudes quant au fait que le chargement latéral d’applications sur iOS entraînerait des vulnérabilités de sécurité et une augmentation des logiciels malveillants.

Abonnez-vous à whitepapers.online pour en savoir plus sur les dernières mises à jour et actualités qui ont un impact sur le monde de la technologie.

Image en vedette : New America, CC BY 3.0 < https://creativecommons.org/licenses/by/3.0 >, via Wikimedia Commons